Un bon développeur peut briller en entretien… et créer des bugs à répétition en production ! Pour dissiper l’effet vitrine des process de recrutement, la prise de référence reste l’outil de vérité terrain. C’est une démarche fine, souvent sous-estimée, qui permet de valider les soft et hard skills en situation réelle. Encore faut-il l’utiliser au bon moment, avec les bons interlocuteurs, et sans sortir du cadre légal. Ce guide complet vous montre comment professionnaliser cette étape critique dans vos recrutements tech.
Le cadre légal de la prise de référence
En France, la prise de référence est strictement encadrée par le Code du Travail. Et ce que certains recruteurs considèrent encore comme une formalité peut, en réalité, exposer l’entreprise à de lourdes sanctions.
Consentement obligatoire du candidat : ce que dit la loi (L1221-9)
C’est le fondement légal numéro un : vous ne pouvez pas contacter un ancien employeur sans l’accord explicite du candidat.
L’article L1221-9 du Code du travail est clair : toute vérification d’informations, y compris les références professionnelles, nécessite l’information et le consentement préalable de la personne concernée.
Ce que cela implique concrètement :
- Le candidat doit savoir que vous comptez contacter ses anciens employeurs.
- Il doit accepter cette démarche, par écrit (mail, formulaire, clause dans le process).
- Il doit pouvoir nommer les personnes à contacter ou au minimum valider la liste.
Objectif : éviter toute forme de collecte « sournoise » ou non autorisée. Même si votre intention est bonne, une prise de référence sans accord est illégale — et juridiquement risquée.
Questions autorisées et interdites : respecter les frontières du pro (L1221-6)
Même avec un accord en béton, vous ne pouvez pas poser n’importe quelle question.
L’article L1221-6 du Code du travail précise que seules les informations « ayant un lien direct et nécessaire avec l’emploi proposé » peuvent être collectées.
En clair : vous devez rester dans le champ strictement professionnel.
✅ Ce que vous pouvez demander :
- Dates et durée des précédentes expériences
- Missions confiées, environnement technique
- Niveau de maîtrise des compétences clés (ex. : Java, Docker, méthode agile)
- Capacité à travailler en équipe, à gérer la pression, à communiquer
⛔️ Ce qui est formellement interdit :
- L’état de santé, la situation familiale, les opinions politiques ou religieuses
- Toute information personnelle non pertinente pour le poste
💡 Bon à savoir : un référent qui vous transmet des éléments hors champ ou discriminants vous expose autant que lui à des poursuites. Même si vous ne les utilisez pas, leur simple collecte est problématique.
Risques RH : prud’hommes, RGPD, marque employeur
Ignorer le cadre légal peut coûter cher. Et pas seulement financièrement.
Au prud’hommes, un candidat lésé peut invoquer une violation de sa vie privée ou un traitement inéquitable. Le simple fait de ne pas avoir recueilli son accord écrit peut être retenu contre l’employeur.
Sur le plan RGPD, la prise de référence est une collecte de données personnelles, soumise aux mêmes obligations que tout traitement : finalité claire, consentement, durée de conservation, droit d’accès, etc.
Et sur la marque employeur ? Un process opaque, intrusif ou mal vécu peut avoir un effet désastreux en pleine guerre des talents. Aujourd’hui, de nombreux candidats Tech refusent les prises de référence « à l’ancienne », jugées trop intrusives ou mal expliquées.
🛑 En cas de non-conformité :
- Jusqu’à 1 an de prison et 15 000€ d’amende (art. 226-21 du Code pénal, traitement illégal de données)
- Sanctions prud’homales pour discrimination ou atteinte à la vie privée
- Bad buzz sur les réseaux et plateformes d’avis (Glassdoor, LinkedIn…)
Quand, pourquoi et comment faire une prise de référence ?

Dans le recrutement, comme en cybersécurité, le bon timing est souvent aussi important que la bonne action. Une prise de référence mal placée peut faire perdre du temps, fragiliser la relation candidat ou donner un faux sentiment de contrôle.
À l’inverse, bien intégrée au process, elle devient une arme de validation massive : précise, éthique et redoutablement efficace.
À quel moment l’intégrer dans votre process ?
La prise de référence n’est pas une étape préliminaire. Elle ne sert pas à trier des CV. Elle intervient en fin de processus, idéalement une fois que vous avez un « shortlisté » ou un candidat préféré, prêt à recevoir une offre (ou en balance avec un autre profil).
C’est la touche finale du processus, pas le filtre initial.
Pourquoi attendre ce moment ?
- Parce qu’avant, ce serait intrusif (et illégal sans consentement).
- Parce qu’elle doit confirmer un choix, pas l’orienter dès le départ.
- Parce qu’elle mobilise du temps et doit être ciblée.

Les objectifs
La prise de référence ne remplace ni un test technique, ni un bon entretien.
Elle sert à :
- ✅ Compléter une impression positive : « Est-ce qu’il est aussi bon en équipe que sur son GitHub ? »
- ✅ Valider les faits : « A-t-il vraiment géré ce projet Kubernetes ? »
- ✅ Nuancer un doute ou une hésitation : « Candidat A ou B pour ce poste de Tech Lead ? »
👉 Elle apporte une lecture « terrain » du candidat, que ni le CV ni l’entretien ne peuvent entièrement révéler. Dans la Tech, où les enjeux de collaboration, d’autonomie et de gestion du stress sont clés, ces signaux faibles sont souvent décisifs.
Obtenir l’accord du candidat : comment formaliser l’autorisation ?
Pas d’accord = pas de prise de référence. Voici comment faire ça proprement, rapidement et légalement :
- Expliquer clairement la démarche, dès la fin de l’entretien final.
- Demander l’accord écrit, avec précision sur :
- les personnes à contacter
- les sujets abordés
- la confidentialité de l’échange
- Archiver l’accord, au même titre que tout document du dossier de recrutement.
💡 Bon conseil RH : formulez la demande de manière positive. Le but n’est pas de « surveiller », mais de « confirmer ensemble la compatibilité ». Cela rassure le candidat et renforce la transparence du process.
Les 3 points clés à retenir :
- La prise de référence est un outil de validation stratégique à intégrer en fin de process, avec le consentement écrit du candidat.
- Elle doit se concentrer exclusivement sur des éléments professionnels en lien direct avec le poste, dans un cadre légal strict.
- Pour qu’elle soit fiable, il faut savoir lire entre les lignes, détecter les biais et multiplier les sources pour croiser les retours.